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États Généraux du numérique #5 : Installer une véritable culture de l'évaluation au service du numérique éducatif
Les politiques publiques du numérique éducatif peuvent-elles faire l’économie d’une évaluation de leur efficacité ? Cette question, quelque peu provocatrice, nous paraît devoir être posée tant le thème de l’évaluation nous a semblé absent des échanges lors des deux séances plénières des États Généraux du numérique.
Même si les EGN sont désormais derrière nous, nous continuons aujourd’hui de nourrir le débat, en agrémentant notamment les propositions issues des EGN sur le thème de l’évaluation nous a semblé étrangement absent des échanges lors des États Généraux du numérique. Par évaluation nous n’entendons pas tant celle de l’efficacité pédagogique du numérique, qui a fait l’objet de quelques interventions lors des EGN et de nombreuses recherches depuis des années, que celle relative à une évaluation la plus objective possible des grands plans lancés ces dernières décennies.
Exemple concret d'un dispositif de mesure remarquable
Nous aurions par exemple souhaité que ces États Généraux dressent un état des lieux précis et documentés des outils qui ont fonctionné durant le confinement. Au-delà, nous aurions aimé que ces EGN se penchent sur la question clé des dispositifs d’évaluation qui permettraient de piloter et de suivre l’efficience des services numériques déployés au sein de la communauté éducative.
Prenons l’exemple des ENT. Ceux-ci sont particulièrement exemplaires de ce que nous souhaitons car ils font l’objet, depuis leur lancement, d’un plan national de marquage piloté par un tiers indépendant des éditeurs (neutralité) et valable quelles que soient les plateformes utilisées (universalité). Ce marquage permet aux porteurs de projets (rectorats et collectivités) de suivre quasiment au jour le jour le niveau d’usage des services qu’ils financent et accompagnent et, le cas échéant, de faire évoluer ceux-ci, dans le cadre d’un dialogue avec les éditeurs, voire de changer de dispositif en cas d’échec patent. Tout juste pourrait-on plaider pour une plus grande visibilité donnée à ces statistiques, dont certaines pourraient, pourquoi pas, être versées en open data.
Sans de telles données statistiques fiables et partagées, donnant une vue complète des portefeuilles de projets territoriaux et de leur « état de santé » comparatif, il nous paraît difficile de piloter efficacement un dispositif, quel qu’il soit. Dans le contexte d’une gouvernance État/collectivités par nature complexe (cf. l’axe 4 de nos propositions) l’existence d’un dispositif d’évaluation comme celui déployé pour les ENT se révèle donc indispensable.
Vers une évaluation systématique et objective des politiques numériques
Tous les plans lancés ces dernières années, qu’ils portent sur les équipements, les services ou les ressources, se réfèrent à des objectifs qualitatifs, « favoriser la réussite éducative, lutter contre l’échec scolaire, rapprocher la famille de l’École… », difficilement mesurables dans le temps court. Il faut donc fournir aux décideurs un ensemble d’outils leur permettant, à partir d’un contrat d’objectifs commun, de décider plus rapidement de la poursuite ou de l’arrêt de tel ou tel plan de déploiement. De ce point de vue, le nombre de visites, de visiteurs uniques, les types de services accédés sont certainement les plus appropriés.
Osons une proposition radicale, toute politique publique du numérique éducatif devrait, en amont même de son lancement, prévoir de façon obligatoire le dispositif d’évaluation, fondé sur des indicateurs mesurables et partagés, permettant de juger de sa pertinence, indépendamment de son efficacité pédagogique qui ne peut être évaluée que sur des temps longs et à travers d’autres méthodologies.
Soyons clairs, un indicateur d’usage, même très favorable, ne peut présager à lui seul de l’efficacité pédagogique de tel ou tel service. En revanche, la faible utilisation d’un service, par essence mesurable objectivement, doit permettre à ses promoteurs de s’interroger rapidement sur sa pertinence pour soit l’abandonner ou le remplacer soit prévoir les dispositifs d’accompagnement et de formation permettant d’en développer l’usage. Ceci contribuerait à réduire l’hétérogénéité de la qualité de service des dispositifs numériques proposés au citoyen dans les territoires.
L’ouverture d’un chantier de réflexion sur ces dispositifs de mesure d’usages applicables à l’ensemble des services actuellement déployés nous paraît donc être une des priorités des mois à venir.
Mieux anticiper, privilégier les investissements logiciels, équiper les élèves et les enseignants, refonder la gouvernance, évaluer les politiques publiques du numérique éducatif constituent donc les 5 axes de progression que nous soumettons à votre réflexion à l’issue de ces États Généraux du numérique. Nous espérons que certains d’entre eux suscitent aussi votre adhésion.